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Lucinda N. Whackblight

7 octobre 2017

Très chère Madame Jodie Foster,

BONS DE LIVRAISONS DESTINES AUX CÉLÉBRITÉS SI ADULÉES

 

Je délivrerais mon imaginaire avant la fin des temps

Je déjouerais les sortilèges de ma vie de spectateur

Je livrerais les sublimes secrets du livre de mon âme

Je briserais l’omerta du simulacre dont je me repais

 

 

 

DE LA PART D’UNE FOLLE À LIRE

 

« A celles qui sont déjà prises

Et qui, vivant des heures grises

Près d’un être trop différent

Vous ont, inutile folie,

Laissé voir la mélancolie

D’un avenir désespérant »

 

Comme évoqué dans le poème d’Antoine Pol, mis en chanson par Georges Brassens, de nombreuses années auront été nécessaires pour me résoudre enfin à conjurer le sort qui m’accablait, celui d’une passante aliénée, happée au passage dans une salle obscure, le corps abandonnée au fond d’un canapé, en regard d’un écran noir, la main munie d’un sélecteur de programme audiovisuel.

 

 

LETTRE A JODIE FOSTER, DU SAMEDI 29 MAI 1982

 

L’annonce de la disparition de Romy Schneider, ce jour-là, m’affligea d’un mal-être irrépressible d’abord, puis d’une « appréhension harcelante », dont j’osais à peine évoquer le fait avec ma mère, tant il se révélera du même coup pure chimère. Cet ingénieux dispositif hallucinatoire dont je ne pouvais me passer, l’emprise exercée par une actrice jouissant d’une notoriété incontestable, opéraient d’une manière singulière jusqu’à entraver les moindres velléités d’espérances. L’interprétation de Romy Schneider dans son rôle ultime au cinéma de La Passante du Sans-Souci produisit un effet semblable à un legs testamentaire consenti à l’une de ces jeunes admiratrices dont je constituais néanmoins l’antithèse. Et bien malgré elle son regard insondable me laissa foudroyée.

 

 

Très chère Madame Jodie Foster,

 

J’ai l’honneur de vous écrire en français, l’idiome de Georges Perec, étant donné que je soupçonne que vous en ayez une assez juste appréciation, et de part sa nature exceptionnelle, semble-t-il.

 

Je suis né à Saint-Pétersbourg, à l’époque Leningrad et toute gamine j’ai migré à Sébastopol en Crimée. Il n’a pas fallu longtemps pour que ma mère, mon grand frère et moi entrions clandestinement en France au début des années 80, puis nous nous établissions définitivement à Archamps, aux portes de Genève, après un court séjour à Puplinge, rue de Graman exactement, où j’ai rencontré mon Sébastien.

 

Si je me permets de solliciter votre attention de manière si impromptue – peut-être même très inconvenante, c’est que l’époque actuelle donne matière à la dissémination hypertextuelle. C’est ma façon de semer les graines de ma folie.

 

La vie est un roman pour celui qui aime lire afin de construire un imaginaire littéraire. Pour moi, la vie est un film où je joue le rôle d’un dieu doté d’un imaginaire hollywoodien. Je voulais partager avec vous ce qui se trame dans l’imaginaire du spectateur que je suis.

 

Pour certains, je passe pour une folle à lier. Pour d’autres, je passe pour une opportuniste à la plume vénale. Moi, je dirais, dans l’état des choses, que je suis bien folle, mais une folle à lire. Malgré cet aveu, encore faudrait-il en faire la preuve, diagnostiquer l’aliénation d’esprit n’est pas donné à tout le monde.

 

Le psychiatre peut statuer sur mon cas. Mon ancien professeur de lycée de français, Alain Vircondelet, pourrait me traiter de folle, je mets à l’épreuve sa notion de « confrontation éclairante » avec votre implication involontaire. Mon pharmacien m’a bien suggéré une fois que je devrais me calmer avec mes cocktails expérimentaux. Et mon dégonflé d’époux déclarerait probablement que je manifeste une forme atypique de verbigération mentale, s’il osait, bien sûr, se confier sur le contenu des propos qu’il tient me concernant et qu’il consigne consciencieusement par écrit sur son Thinkpad personnel.

 

Mais je m’éloigne de la raison qui provoque cette illusoire diarrhée verbale, cette ingérence indue et inopinée dans votre existence. Je ne vous connais pas, tout comme je ne connaissais pas personnellement Romy Schneider. Vous ne me connaissez pas, tout comme vous vous foutez complètement de l’éboueur qui fait disparaître vos déchets au quotidien.

 

Je ne sais rien de vous, car je ne suis pas l’une de vos semblables. Et que les choses soient claires, je n’espère aucunement entretenir avec vous la moindre relation épistolaire. Je n’en vaux pas la peine, j’appartiens à une espèce indigne de votre estime. Car je relève de cette catégorie d’individu irrésolu ou anomique, de fan indécis, atteinte d’aboulie et d’un dilettantisme des plus crasses.

 

Mais avant toutes choses, je souhaiterais sincèrement que vous sachiez que je vous admire. Je vous trouve admirable sans que je sache réellement si vous êtes une personne aimable. C’est donc au travers d’une perception subjective et trompeuse que mes sens sont exaltés à ce point. Ce n’est pas de l’enthousiasme que j’éprouve puisque je n’évolue pas dans votre sphère d’influence. Je n’appartiens ni à un syndicat des intermittents du spectacle, ni au gotha de l’une des prestigieuses universités américaines.

 

L’inéluctable finitude de l’existence humaine me contraint à faire en sorte d’alléger le poids qui pesait sur ma conscience. Je ne suis que Lucinda Neva Whackblight, une folle à lire. Veuillez agréer, je vous prie, Madame Jodie Foster, l’expression respectueuse de ma sympathie. C’est tout.

 

Lucinda N. Whackblight

 

 

P.S. Je ne voudrais pas que vous croyiez que je vous prenne en otage ou à témoin. Vous n’êtes aucunement responsable du trouble comportemental que je manifeste. Je ne voudrais pas non plus que vous vous sentiez harcelée ou menacée. Vous êtes une actrice de renommée internationale, je ne suis qu’un genre de femme égarée dans le noir. Vous êtes l’une des étoiles qui éclaire le rêve de ma vie imaginaire. Je voulais que vous le sachiez. Merci Jodie pour cette attention inaccoutumée.

L.N.W.

 

Appendices : « Quel drôle de prétexte fumeux pour faire parler de soi. C’est un stratagème grossier et malhonnête. » (Guillaume M.) ; « Je mettrais ma main à couper que Lucinda N. Whackblight n’est autre que le pseudonyme d’un écrivailleur en mal de reconnaissance. » (Bernard L. H.) ; « La mode effrénée du twits azimuts encourage forcément ce type d’inconséquence. » (D. T.) ; « Si le propos de l’auteur est de mettre en exergue l’impact que le cinéma a sur l’imaginaire du spectateur, alors il s’y prend très mal. » (R. D.) ; « L’auteur de cette lettre à Jodie Foster s’est fourvoyé royalement en s’adressant à une ancienne de Yale qui maîtrise certainement mieux que lui la concordance des temps et la syntaxe. » (A. V.)

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8 février 2017

Un con nu mais un signifiant (1')

Philippe fait l'éboueur. Il aurait pu faire mieux. Il en a conscience.

 

J'aurais fait un bon théosophe auriculaire. Mais je n'ai pas achevé mon initiation à l'Abbaye de Thélème. Le bouche à oreille est peut-être une excellente méthode de diffusion du savoir, mais je ne supportais plus les puanteurs buccales de ces haleines putrides et le cerumen suintant des conduits auditifs de mes acolytes. Par contre l'école péripatétique du château de Thélème avec ses cent quarante-quatre escaliers me manquait énormément. Les cours du Père Harry Stote...

 

J'ai évoqué brièvement notre rencontre qui, dans des circonstances d'une banalité effarante, se révélera finalement très "constructive" (instructive, intrusive). Je ne pense pas que "Lucinda N. Whackblight" n'aurait jamais dû se lier d'amitié avec un éboueur, que ses compagnons d'ordure surnommaient "Oncle Benne" ou encore "Doudu". Mais je ne pouvais rester insensible à un homme qui confessait qu'il était con. Il revendiquera, par ailleurs, même une certaine préciosité dans son analyse de la situation. Il me confiera qu'il ne se conçevait pas comme un con parmi tant d'autres. Il se considérait en tant que con tout court, un con qui allait tout déballer, un con qui se mettrait en quatre, à nu, pour faire éclater la vérité ! Gang Bang !

C'est en conjuguant ses propres notes personnelles que je qualifierais de "verbigérations rudérales" et la retranscription de nos conversations informelles que nous avons pu élaborer un genre de défrichage ergologique. Les citations bibliques ne participent pas à une quelconque forme de prosélytisme. L'auteur se méfie de la religion comme d'un AK-47. Mais la Bible, de l'ancien au nouveau testament, fait partie intégrante de la culture atavique occidentale. Mais le plus important c'est que la Bible par définition n'appartient à personne et appartient à tout le monde. Pas de copyright, pas de droits d'auteurs... Sauf les éditeurs et les traducteurs et... En bref, nous parlons de textes millénaires. Et ce livre des livres parle de condamnation, de damnation et de mort éternelle, d'abîme et de ténèbres. Bingo !

Je suis un éboueur, un damné, un enfant de Sisyphe...

 

Nous intitulerons ces pages : Un con nu mais un signifiant.

 

J'ai conscience que je suis con. La conscience est un miroir. Le concept de conscience n'est pas une évidence pour tout le monde, puisqu'il ne l'est pas pour moi. Cela peut provenir d'une idée imaginaire. Dans ce cas, j'imagine que je suis con. La notion d'imaginaire parait plus défendable. Les rêves, l'intuition et Steven Spielberg, King ou Hawking font appel à notre imagination, chacun à leur manière. Alors j'imagine que l'imaginaire ou l'imagination sont des notions fiables...

Le judaïsme, le christianisme et même l'islamisme nous ont transmis à travers les âges une certaine vision du monde, de la vie et des choses. Ces mouvements religieux exècrent tout ce qui concerne les images, les icônes ou les idoles. Du haut de leur piédestal, ils ne diront jamais : "Imaginez que nous nous soyons trompés..."

"Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre." (Exode 20 : 4)

"Thou shalt not make unto thee any graven image, or any likeness of any thing that is in heaven above, or that is in the earth beneath, or that is in the water under the earth." (Exodus 20 : 4)

Si nous n'y prenons pas garde ce sont les médias qui imposeront leurs diktats. Au gré des vents mercatiques...

Mais je divague à tort et à travers.

Je me suis un jour réveillé con. Cela allait de soi. Le système-monde produisait du con de toutes sortes et en pagaille. L'air de rien, j'avais l'air d'un con. En fait, j'étais con. Je suis bien con et le resterais à jamais. C'est une spirale, la spirale du con. Car le néant est la poubelle du con. Depuis que je fais l'éboueur, je comprends mieux le con que je fais, le con que je suis.

 

En tant que con, qui suis-je ?

Je suis un con nu mais un signifiant...

Tout d'abord, je suis un contemporain de Donald Trump. Lors de son investiture, celui-ci prête serment sur la Bible...

 

Lucinda N. Whackblight

5 février 2017

UN CON NU MAIS UN SIGNIFIANT

Philippe est un éboueur pas tout à fait comme les autres. Il sait qu'il est con.

Lors d'un audit effectué dans son service de collecte des ordures ménagères, l'un des intervenants le prend à part.

- Vous travaillez comme des cons les gars. Votre cadence de travail est de 125 conteneurs à l'heure ! La moyenne est de 60 à 70 conteneurs à l'heure.

Philippe le prend au mot.

 

"Je suis un con. Je suis con. Mais quel con je fais."

Philippe se morfond. Les années passent. "Mais t'es un vrai con", se dit-il sans arrêt.

 

Philippe a aujourd'hui près de 55 ans. Il fait éboueur depuis plus de dix ans.

 

"J'imagine que je vais continuer à faire l'éboueur une dizaine d'année de plus. Lorque j'aurais 68 ans, il me restera 4 ou 5 ans à vivre. J'imagine que je suis un mort en sursis. Mon mal c'est l'ordure."

 

Je fais la rencontre de Philippe à une fête d'anniversaire. Nous avons un ami en commun. Après quelques verres, les langues se délient. Il est marié, a deux enfants. C'est un noir, un beau black aux cheveux grisonnants. Il porte des lunettes. Il tient sa flûte de champagne avec distinction. C'est un homme rassurant, assuré, sûr de lui. Je le sens bien.

"Je sais par expérience qu'à l'instant précis de la conversation où en vient à parler de profession, le couperet tombe. Les langues qui se déliaient, se délitent, et un malaise insoupçonné s'immisce."

 

- Je suis éboueur. Je collecte les ordures ménagères de l'agglomération.

- C'est grâce à toi que la ville est si attrayante.

- C'est ma façon de faire de la politique.

- Oui, la politique au sens de gérer la vie de la ville.

 

Je me rappelle avoir beaucoup rit ce soir-là. D'ailleurs, nous n'avons pas décollé de nos sièges de la soirée.

 

Lucinda N. Whackblight

 

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Lucinda N. Whackblight
  • C’est parce que je déambule que j’écris. Je m’éparpille. Je me disperse. Et finalement, j’échoue, flasque et morbide, sur le rivage du dégoût. Je suis un déchet flottant à la surface d’un océan maussade. Il m’est si facile de pleurer sur mon sort. Pourrir.
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